Italie : associations de bibliothécaires et éditeurs dénoncent la « censure indirecte »

Par : Angèle Boutin

26/06/2018

La petite ville de Todi (16 000 habitants) et sa bibliothèque (12 000 visiteurs l’an passé) sont le théâtre d’un scandale politico-culturel. En cause : la « censure indirecte ».

Les ingrédients d’un scandale national 


Directrice de la bibibliothèque de Todi depuis 14 ans, Fabiola Bernadini a été brutalement notifiée le 8 mai dernier du terme mis à ses fonctions par un communiqué officiel de la ville. « Bernardini est suspendue de ses fonctions en vue de son transfert - destination : service urbanistique », tranche le texte.

Son tort ? Avoir participé deux jours auparavant à la Fête des familles arc-en-ciel, dédiée à la lecture auprès du jeune public. Un geste qui semble avoir été considéré comme la goute-d’eau par la municipalité, en conflit ouvert de longue date avec la direction de la bibliothèque.

Tout commence en novembre 2017. La directive « anti genre », proposée par Alessia Marta (chargée de la politique familiale) et soutenue par le maire Antonio Ruggiano issu du parti Forza Italia (fondé par Silvio Berlusconi), demande « l’exclusion ou la mise à l’écart » de certains livres « aux thèmes sensibles »

Fabiola Bernardini reçoit dans la foulée une demande de la commune de fournir une liste des livres jeunesse à caractère « homosexuel, transsexuel ou homo-parental » dans le but de les enlever des étagères. La directrice refuse, marquant le début d’une lutte entre la bibliothèque et la commune. Jusqu’au 4 mai dernier, où Fabiola Bernadini décide de fournir la liste intégrale des 4 500 livres du rayon jeunesse, sans discrimination. Cet acte de défiance est considéré comme le vrai motif à sa suspension.

Le J’accuse des professionnels du livre italiens

« Nous avions déjà dénoncé ce qui se passe à Todi dans un précédent communiqué, cela a tout l’air de l’habituelle censure indirecte qui a touché les bibliothèques à travers les époques » souligne Rosa Maiello, présidente de l’AIB (association des bibliothécaires), avant de préciser que cette fois le document sera « traduit en anglais et diffusé à l’international ».

Bien au-delà de manifester leur seul mécontentement au sujet du transfert injustifié de la bibliothécaire, au parcours professionnel impressionnant, vers le service urbanistique de la ville. L’AIB, dénonce un dysfonctionnement politico-culturel national. 

Rappelons en effet que la profession de bibliothécaire en Italie souffre beaucoup. De très nombreux bibliothécaires n’obtiennent leur premier poste, après de longues études -similaires à celles en France-, qu’à un âge avancé. Les mairies ont la main mise sur les nominations et placent très souvent à la tête des bibliothèques des bénévoles ou des personnes non-formées. Encore une fois, la profession fait face à une dévalorisation injustifiée. 

La censure ? Impensable en 2018

Aux yeux de Ricardo France Levi, président de l’AIE (association des éditeurs) il est impensable « d’accepter la censure de la liberté d’expression ». Avant d’ajouter « Les livres et la lecture sont une valeur et en cette qualité ils ne peuvent être censurés d’aucune manière. [ … ] C’est encore plus véridique dès lors où la censure concerne les enfants, les plus jeunes lecteurs, à l’âge de la transmission et de la consolidation de l’amour de la liberté. En ce sens, nous espérons et demandons que Fabiola Bernardini réinvestisse son poste au plus vite : à la bibliothèque »

Sources : Linkiesta, La Repubblica, Mobilis et l’AIE / Crédits Illustrations: CC0 License

TEMPS DE LECTURE: 2 minutes

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