La réforme des retraites inquiète la Ligue des auteurs et le monde de l’édition

Par : Claire Chave

03/04/2019

Le dossier, complexe, serait désastreux pour le secteur de l'édition sans aménagement.

Dans un communiqué, la Ligue rappelle que le gouvernement vise à remplacer les 42 régimes de retraite actuels par un système universel dans lequel chaque euro cotisé donnera des droits à la retraite identiques, et ce quel que soit le statut du cotisant, qu'il soit salarié, indépendant, fonctionnaire.

Si la réforme ne devrait pas s'appliquer avant l'horizon 2025, le Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a déjà annoncé qu'il pourrait remettre ses préconisations début mai, dans l'idée de lancer un débat parlementaire sur la retraite universelle cet été.

Or, comme le rappelle la Ligue : le salarié cotise pour 18,15 % de ses revenus là où l'auteur cotise à 6,90 %. Comme le montrent les tableaux ci-dessous :

COTISATIONS Salarié Employeur total
Vieillesse 6,90 % 8,55 % 15,45 %
Solidarité 0,40 % 1,90 % 2,30 %
    Total 18,15%

 

COTISATIONS Auteur Diffuseur total
Vieillesse 6,90 % - 6,90 %
Solidarité - - -
    Total 6,90%

 

Cette inégalité de cotisation donne malgré tout pour les auteurs un revenu équivalent à celui d'un salarié, et les semestres sont validés de la même manière.

Comme le rappelle le communiqué, « depuis la loi du 31 décembre 1975, les artistes auteurs sont rattachés au régime général de la Sécurité sociale, comme n’importe quel salarié, et ont les mêmes droits aux assurances sociales et aux prestations familiales. Dès le départ, vu que les artistes auteurs n’ont pas d’employeur, le législateur a remplacé la part patronale sur les cotisations par une contribution diffuseur. Dans la loi d’origine, cette contribution diffuseur devait permettre de financer les dépenses du régime qui ne sont pas couvertes par les cotisations des artistes auteurs. De fait aujourd’hui, elle n’a rien à voir en termes de montant, puisqu’elle n’est que de 1,1% ».

Or, dans un système universel de retraite tel que le pense actuellement le gouvernement, où chaque euro cotisé donnera des droits à la retraite identiques, les artistes-auteurs et auteurs vont voir leurs droits à la retraite s'effondrer, étant donné la faiblesse de leurs cotisations.

Et pour la Ligue, aucune solution de changement ne semble faire sens :

  • avec une dérogation pour ne pas cotiser plus, mais à droits identiques du régime général, les auteurs perdront sur la valeur de leur retraite, qui pourrait baisser de moitié
  • si, au contraire, les auteurs cotisent autant que les salariés juste pour garder les mêmes droits, ils perdront l'équivalent de l’importante part patronale sur leurs revenus
  • une autre option consisterait en ce que les diffuseurs financent l’équivalent des cotisations patronales. Sauf qu'en cas d'inflation,  le coût serait immédiatement reporté sur les créateurs, en baissant d’autant le montant de leur rémunération nette.
  • reste la possibilité de la mise en place, par les pouvoirs publics, d'une compensation à la hausse pour celui qui payerait les cotisations au nom des auteurs. Au hasard, même si la Ligue ne les cite pas : les éditeurs. Mais, en pleine tension budgétaire, le gouvernement vise davantage les économies que de nouvelles dépenses.

Même inquiétudes sur la retraite complémentaire, où le taux unifié de 28 % retenu comme hypothèse de réforme, complémentaire incluse, selon des simulations de l'IRCEC. Le taux de la complémentaire des auteurs, le RAAP, étant aujourd’hui de 8%, cela reviendrait à passer le taux de cotisation de 14,9 % (6,9+8 %) à 28 %. Ce qui provoquerait une hausse de cotisation de plus de 13% pour la plupart des auteurs… sans aucune amélioration de leurs pensions de retraite à terme !

Selon un expert du dossier interrogé par BookSquad, le sujet est une « pétaudière » pour le secteur de l'édition. Car quelle que soit la solution retenue, elle impliquera un perdant : celui qui paiera pour compenser la perte de revenus des auteurs au moment de la retraite. S'agit-il des auteurs eux-mêmes, du ministère de la Culture, des diffuseurs... ou des éditeurs, l'avenir devrait le dire très vite.

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