Laurence Risson : « Nous avons la chance, en France, de pouvoir mutualiser les projets »

Par : Lucile Payeton

03/05/2019

Entretien avec Laurence Risson, responsable de projets au BIEF (Bureau international de l’édition française), autour de l’édition française par le prisme du livre illustré.

BookSquad : Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs en quoi consiste le BIEF (Bureau international de l’édition française), ses objectifs et ses actions ? 

Laurence Risson : Le BIEF aide les éditeurs français à se développer à l’étranger.  

Notre budget est composé de subventions (du Ministère de la culture principalement mais aussi du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) et il est aussi basé sur les adhésions des éditeurs et leurs participations à tout ou partie de nos actions.  

Depuis une vingtaine d’années, au regard de l’évolution du marché du livre à l’international, nous nous sommes concentrés sur les échanges de droits et sur la manière dont nous pouvions aider les éditeurs dans leurs démarches. 

 

Lorsque nous sommes présents sur les salons et foires du livre en pilotant le stand collectif français, nous travaillons le plus souvent en collaboration avec l’Institut français sur place, mais aussi avec une librairie locale, idéalement francophone. Nous créons un espace de travail pour les éditeurs qui n’ont plus qu’à se concentrer sur leurs rendez-vous avec leurs partenaires, un espace de présentation d’ouvrages pour le public ainsi que de rencontre avec les auteurs invités et, bien sûr, une librairie.  

Nous organisons également plusieurs fois par an des rencontres professionnelles entre éditeurs français et internationaux.

Le BIEF est enfin à l’initiative d’études généralistes ou thématiques, d’analyses spécifiques des marchés du livre du monde entier. Nous diffusons ces études exclusivement à nos adhérents, puis après 12 mois, nous les rendons accessibles au public sur notre site. 

Nous travaillons beaucoup avec les librairies françaises de l’étranger, bien souvent en partenariat avec l’Association internationale des libraires francophones. Nous organisons des programmes d’accueil dans des librairies françaises et offrons des sessions de formations ou d’approfondissement du métier.  

Nous mettons en relation des éditeurs du Maghreb, du Liban ou encore d’Afrique sub-saharienne, avec des éditeurs français. Sur ces programmes, nous travaillons régulièrement avec l’Alliance des éditeurs indépendants.

Le BIEF est aussi en charge de la gestion de programmes franco-allemands. En partenariat avec le Salon du Livre de Francfort et ProHelvetia nos partenaires suisses, nous proposons deux programmes financés par l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse : un autour de la traduction, le programme Georges-Arthur Goldschmidt, et le second appelé Paris-Francfort Fellowship, qui vise à réunir les jeunes professionnels du livre français, allemands, mais aussi suisses.

Enfin le BIEF dispose d’une filiale à New York, French Publishers’ Agency. Une équipe d’agents qui négocie la vente de droits sur le marché américain pour le compte d’éditeurs adhérents. 

Je dirais que nous avons de la chance en France : il y a une réelle attention portée par les pouvoirs publics pour aider les éditeurs dans leurs démarches via l’aide apportée au BIEF et aux autres maillons de la chaine. Aux côtés du SNE et de tous nos partenaires, nous veillons à toujours mieux nous concerter, à mutualiser nos efforts, notre temps et nos réseaux pour être le plus efficace possible.

BS : Vous êtes responsable de projets au sein du BIEF, en quoi consiste ce poste ? Quelles sont vos missions en tant que spécialiste des livres illustrés ? 

L.R. : Au sein du BIEF, nous travaillons pour 280 éditeurs. Les responsables de projets ne sont pas organisés par pays, ou langues, mais par thématiques : BD/jeunesse, littérature/sciences humaines, livres illustrés. 

Je m’occupe des livres illustrés pour adultes, ce qui comprend les livres d’art, les beaux livres et ce que l’on appelle le livre pratique. Je travaille aussi sur la vulgarisation scientifique, qui n’est pas le secteur le plus évident à travailler parce que c’est un petit secteur. 

Mes missions consistent à accompagner les éditeurs français sur des évènements généralistes, comme les foires et les salons du livre, mais aussi sur des événements thématiques. Je suis aussi l’interlocutrice vers laquelle ils se tournent lorsqu’ils veulent des informations sur le marché de l’illustré de tel ou tel pays. 

En tant que responsable de projets, j’ai aussi pour mission d’organiser des rencontres professionnelles, les dernières en date étant les rencontres franco-russes qui ont eu lieu mi-avril, à Moscou. Chaque rencontre s’organise autour d’un pays et d’une thématique. Plusieurs éditeurs français sont mobilisés, suite à un appel à participation lancé en amont, et nous mobilisons les éditeurs du pays où nous nous rendons. Chaque année, nous faisons un point sur les marchés étrangers avec les éditeurs adhérents du BIEF et évoquons avec eux les perspectives pour construire le programme de l’année suivante. 

Les rencontres professionnelles sont en général organisées sur deux journées : la première matinée, les éditeurs sont rassemblés afin de faire le point sur leurs marchés respectifs. Puis vient le temps des rendez-vous individuels pour parler cessions de droits. Le second jour, les éditeurs français partent à la rencontre de libraires étrangers pour mener une petite étude de terrain, comprendre ce qui se vend, ce qui est demandé par les clients, et comment les libraires travaillent avec les éditeurs locaux.

BS : Vous avez mentionné les rencontres franco-russes, qui se sont déroulées les 18 et 19 avril dernier autour des livres pratiques et beaux livres. Comment s’est organisée et déroulée cette rencontre? 

L.R. : Cela fait dix ans que nous faisons des projets comme ceux-là, surtout en Europe, et nous voulions travailler plus étroitement avec les russes. L’embargo de 2014 avaient eu de sévères conséquences pour les éditeurs russes mais les affaires ont repris. L’an dernier, le pays a été l’invité d’honneur du Salon du livre de Paris. 

La Russie est un grand pays de lecteurs, un pays très francophile, mais qui a les difficultés financières que nous connaissons tous. Le pays fait rêver les éditeurs par sa taille, mais les chiffres restent relativement modestes. Les à-valoir sont assez faibles tout comme les royalties. 

Il y a quelques jours à Moscou, nous avons rassemblé près de 40 maisons d’éditions russes, spécialisées dans l’art et dans les livres pratiques, représentées par environ 70 personnes. Nous étions 7 à représenter l’édition française : Flammarion illustrés, Eyrolles, Gallimard, les éditions du Centre Pompidou, Albin Michel pratique, Glénat et l’agence Anastasia Lester qui représentait les catalogues d’EDI8 et d’Hachette pratique. C’est la première fois depuis très longtemps que nous avons réuni les principaux acteurs de l’illustré adulte, notamment des éditions comme celles du Centre Pompidou et Eyrolles. 

BS : Quel bilan tirez-vous de l’observation du marché russe ? Quelles différences ou ressemblances avez-vous pu observer entre la place du livre illustré en Russie et celle qu’il occupe en France ?

L.R. : Cela faisait un moment déjà que je savais qu’il y avait un vrai tissu d’éditeurs, ayant un véritable intérêt pour les livres illustrés. En cela, la Russie ressemble à la France, car leurs livres illustrés sont de qualité, avec une place importante accordée au texte. 

En ce qui concerne le livre d’art, la tradition veut que toute bonne librairie russe possède son rayon de beaux livres, de livres d’art mais aussi des exemplaires de collection, ce qui n’existe pas du tout en France. Il y a un rapport à la bibliophilie très important en Russie. Dans la librairie que nous avons visitée, le sous-sol ressemblait en tout point à une boutique d’antiquaire.

Je crois que les éditeurs français ont été très satisfaits de pouvoir rencontrer autant d’interlocuteurs de qualité.

Propos recueillis par Lucile Payeton 

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