Le Salon du livre de Vancouver pour « donner aux écrivains francophones la chance d’échanger entre eux »

Par : Caroline Garnier

03/05/2019

Du 26 au 28 avril dernier s’est tenu le salon du livre de Vancouver, dédié aux ouvrages francophones. Une première depuis 1994, puisque cela faisait 25 ans que cette région canadienne n’avait pas accueilli un évènement de ce genre. L’autrice Lyne Gareau, à l’initiative de ce projet, dresse le bilan de ce salon, tout en s’exprimant sur le statut d’écrivaine francophone au sein d’un pays anglophone.

Auparavant professeure à Capilano University, Lyne Gareau se dédie à présent à l’écriture. Elle a d’abord publié de courts textes dans différentes revues, avant de publier son premier roman en 2017, La Librairie des Insomniaques (Éditions du Blé). Prochainement sortira son roman jeunesse, Isalou, aux Éditions des Plaines, pendant ce temps elle s’affaire sur l’écriture d’un recueil intitulé Le Chat Janus.

Originaire du Québec, Lyne Gareau réside désormais en Colombie-Britannique, où elle navigue entre l’île Saturna et Vancouver, lieu où elle a eu l’idée d’instaurer un salon du livre francophone.

BookSquad : C’est la première fois depuis 1994 qu’un salon du livre francophone s’est tenu à Vancouver, le week-end dernier. Pourquoi avoir initié ce projet  ? Comment cette idée vous est venue  ? Quel était l’objectif principal  ? 

Lyne Gareau : En 2018, je participais comme autrice d’abord au Salon du livre de l’Outaouais au Québec et puis à celui de Sudbury en Ontario. C’est à cette occasion que j’ai fait la connaissance de Frédéric Brisson, directeur du Regroupement des éditeurs franco-canadiens (REFC), et il m’a suggéré cette idée. 

Il nous a offert son soutien et m’a mise en contact avec Jean-François Packwood du Conseil culturel et artistique francophone de la Colombie-Britannique. Jean-François et moi en avons discuté avec Louis Anctil, éditeur. Comme nous étions tous les trois très enthousiastes, nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure. Plus tard, Léa Tricoire et Alexandra Bolduc se sont jointes à nous. À nous cinq, nous avions tellement d’idées que nous aurions facilement pu organiser trois salons l’un à la suite de l’autre, si nous en avions eu les moyens  ! Ça a été une expérience de travail d’équipe tout à fait extraordinaire. 

Nous désirions tout d’abord donner aux écrivains francophones la chance d’échanger entre eux et avec le public. C’est un métier très solitaire et les gens qui choisissent d’écrire en français en milieu minoritaire n’ont pas souvent l’occasion de rencontrer des collègues et lecteurs. Nous voulions également donner au public l’occasion de bouquiner en personne, car il n’existe plus de librairies francophones à Vancouver.  

BS : Quels ont été les temps forts de cette édition  ? 

L.G. : L’enthousiasme suscité par notre projet nous a presque pris de cours. Dès que la page Facebook et le site web ont été créés, nous avons été sollicités de toute part. Cela nous a tout simplement fait beaucoup plaisir et nous a donné envie de nous impliquer encore plus. 

Les temps forts [… mmmm…] les sourires des gens, la matinée jeunesse, l’apéro-micro au cours duquel plusieurs de nos écrivains invités ont lu des extraits de leurs œuvres, accompagnés par un musicien, mais aussi le «  speedbooking  » où le public a pu discuter en petits groupes avec cinq auteurs et autrices différents au cours d’une même heure, ou bien la table ronde sur l’histoire comme source d’inspiration… bref… tout  !

BS : Quels acteurs du livre étaient présents  ? Combien y a-t-il eu d’exposants  ? 

L.G. : Le salon a réuni treize auteurs qui vivent en Colombie-Britannique  : Jérôme Baco, Nicolas Cadorette Vigneaut, Tanguy Exume, Laurent Fadanni, Lyne Gareau, Jean-Pierre Makoso, Danielle S. Marcotte, Karen Olsen, Annie Bourret, Gilles Poulin-Denis, Laurent Sagalovitsch, Michèle Rechtman-Smolkin et Rokia Tamache. 

Nous avons également pu inviter, grâce à une subvention du Regroupement des éditeurs franco-canadiens : Jean Mohsen Fahmy, Laurier Gareau, Vanessa Léger et Diya Lim. 

Tous ces auteurs sont originaires du monde entier, de l’Égypte, de la France, d’Haïti, du Québec, de Saskatchewan, de l’Acadie, de la Belgique, des îles Maurice, et j’en passe. Ils écrivent dans différents genres, de la poésie, au roman, à la littérature jeunesse, au théâtre, au récit de voyage, au manuel de bien-être, et j’en passe.

Du côté des exposants, il y avait d’abord le Regroupement des éditeurs franco-canadiens pour faire la promotion des livres d’auteurs et d’autrices francophones hors Québec. On pouvait acheter sur le salon les œuvres de tous les auteurs présents. Il y avait aussi le distributeur Dimedia qui représente plus de trois cents éditeurs québécois et européens, ainsi que deux libraires avec une vaste sélection d’œuvres francophones pour la jeunesse comme pour les adultes.

BS : À quel public avez-vous eu affaire cette année  : professionnels, privés, familles  ? 

L.G. : Nous voulions avant tout que ce soit un évènement communautaire et nous avons atteint cet objectif. Il y avait des familles, des membres de divers clubs de livres francophones, des gens qui voulaient se procurer un bon bouquin, des universitaires et divers acteurs des milieux culturels francophones en Colombie-Britannique.

BS : Quels sont les retours que vous avez eus sur cette nouvelle édition du salon  ?  

L.G. : Le salon n’avait pas encore ouvert ses portes que déjà des gens nous demandaient s’il y aurait une autre édition l’an prochain et nous offraient leur aide pour un éventuel futur salon. Lors de l’évènement, nous avons reçu beaucoup de commentaires positifs, tant du public que des écrivains et libraires.

BS : Le salon a accueilli 286 visiteurs sur le week-end. Comment interprétez-vous ces données  ? Quelles étaient vos prévisions  ?

L.G. : Il est très difficile de prévoir la participation de la communauté francophone aux évènements culturels. Cela dépend de tant de choses, le temps qu’il fait pour n’en nommer qu’un seul. Nous n’avions donc jamais fait de prévisions. Nous espérions par contre qu’à tout moment il y aurait des amoureux des livres autour de nous et en effet, à l’exception d’un petit creux à l’heure du midi, la salle était généralement bien remplie. En fait, les dimensions des lieux ne nous auraient pas permis d’accueillir beaucoup plus de visiteurs.

BS : Existe-t-il d’autres manifestations réservées à la littérature francophone au Canada ? Quelles places occupent-elles dans l’économie du livre et dans la culture du pays ? 

L.G. : Les Salons du livre sont très populaires dans les communautés francophones, particulièrement au Québec. Mais il en existe également à Toronto, dans le nord de l’Ontario, en Acadie ou encore au Manitoba. Au Canada anglais, on a plutôt tendance à organiser des « Writers Festivals », où des écrivains invités donnent des conférences. C’est tout à fait différent des salons du livre qu’on connait.

BS : En tant qu’écrivaine, quelles sont, selon vous, les problématiques propres aux auteurs et autrices francophones au Canada ? Quelle place leur est-elle accordée ? 

L.G. : Décider d’écrire en français alors que je vis en milieu anglophone et parle couramment anglais a été un choix qui relevait assurément plus du cœur que de la logique. Le résultat est un métissage entre mon héritage québécois et l’amour que je porte à la nature de la côte ouest du Canada. J’écris donc de la Colombie-Britannique, mais en français. C’est certain que c’est hors norme et qu’il est toujours plus difficile d’être minoritaire. 

Par contre, le Regroupement des éditeurs franco-canadiens permet, par son excellent travail, aux auteurs et autrices francophones de l’extérieur du Québec d’échanger, de participer à des manifestations littéraires, comme notre petit salon et de faire valoir leur travail. Cela nous donne en quelque sorte un sentiment de légitimité qui a peut-être par le passé fait un peu défaut.

J’ai également la chance d’être membre de l’UNEQ (Union des écrivains et écrivaines québécois), une association qui milite en faveur des écrivains et lutte notamment pour le respect des droits d’auteur.

BS : Envisagez-vous d’organiser l’année prochaine une nouvelle édition ? 

L.G. : Nous avons toujours cru en ce projet et nous sommes fiers de ce que nous avons accompli. C’était à petite échelle bien entendu, mais ça a été très bien reçu et c’est sûr que ça donne envie de continuer. Nous allons bientôt nous réunir pour en discuter.

Propos recueillis par Caroline Garnier

TEMPS DE LECTURE: 5 minutes

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