Royaume-Uni : une pétition sur le financement des bibliothèque publiques rejetée par le gouvernement

Par : Angèle Boutin

13/11/2018

La pétition en ligne qui a recueilli à ce jour 29 391 signatures a été lancée par Frances Belbin le 8 octobre dernier. L’objectif des 100 000 signatures devait être atteint avant le 24 mars 2019 pour que la pétition puisse « être examinée par le Parlement ».

Le texte en avait été approuvé par l’association des bibliothèques d’information (CILIP) puis soutenu par des écrivains tels que Neil Gaiman, Philip Pullman, mais aussi JK Rowling (autrice de la saga Harry Potter) qui l’a relayée sur son compte Twitter.

Mais le gouvernement britannique a d’ores et déjà rejeté la pétition, déclenchant la colère et la frustration des militants.

« La décision sur la manière d’allouer [le financement] revient aux autorités locales en tant qu’organe localement démocratique et responsable »

Au Royaume-Uni, le gouvernement est tenu de répondre à une pétition à partir du moment où celle-ci dépasse les 10 000 signatures. Ce dernier a donc expliqué le 8 novembre que les autorités locales resteraient flexibles quant aux décisions concernant le financement « afin que les bibliothèques puissent être résiliantes et équipées pour répondre aux besoins locaux » (The Guardian).

Bien que le gouvernement ait tenté de rassurer les signataires sur le fait qu’il « prend au sérieux l’obligation légale de surveiller et de promouvoir l’amélioration des services des bibliothèques », et s’engage sur un « avenir durable » ; cette réponse a été jugée « copier/coller », « sans scrupule » et « totalement prévisible » par les militants.

La colère des militants et des institutions

Elizabeth Ash, une militante interrogée par The Bookseller, a qualifié la réponse du gouvernement de « tissu de mensonge de la part d’un gouvernement qui n’a rien fait pour protéger les services publics tels que les bibliothèques ». Elle conteste aussi bien l’engagement pris par le gouvernement de superviser l’amélioration des services des bibliothèques que son groupe de travail (Libraries Taskforce) fondé en 2015 et financé à hauteur de 500 000 livres sterling annuels (574 538 euros).

Aussi, rajoute-t-elle, « le groupe de travail sur les bibliothèques a reçu beaucoup d’argent, ce qui a bousculé les agendas gouvernementaux mais aussi les bénévoles qui gèrent les bibliothèques, et la réponse du gouvernement ne fait aucune référence aux bénévoles […]. Les dégâts causés aux bibliothèques publiques ont été catastrophiques ».

Shirley Burnham, également militante considère la réponse comme « insultante ». Elle a porté plainte en décembre 2016 afin d’attirer l’attention sur le fonctionnement des bibliothèques de Swindon (entre Londres et Bristol) ce qui n’avait donné lieu à rien d’autre que de la « procrastination », pendant que le personnel et les services avaient été « dûment décimés ».

Le directeur général de CILIP, Nick Poole a déclaré que cette réponse « est loin d’être suffisante pour garantir un avenir positif aux bibliothèques et aux communautés qu’elles desservent ». Et de rajouter : « les finances des autorités locales subissent des pressions constantes, tandis que les coûts […] continue d’augmenter. Nous avons besoin d’argent, pas de cours magistraux, pour assurer l’avenir à long terme des bibliothèques du pays ».

Ian Anstice, directeur de Public Libraries News, condamne le gouvernement qui « a abdiqué toute responsabilité financière, et donc toutes responsabilité de quelque nature que ce soit, vis-à-vis des autorités locales ». Selon lui, le groupe de travail sert de « bouclier » au gouvernement.

Il rappelle également que la pétition doit continuer à être signée : si elle atteint les 100 000 signatures, le Parlement devra se pencher sur la question. De plus, chaque signature est « une tape sur les doigts des politiciens » qui pourraient le payer cher lors « des prochaines élections ».

Un soutien dissonant mais non impertinent

Tim Coates, ex-PDG de Waterstones et défenseur des bibliothèques, s’accorde avec les militants sur la « prévisibilité » de la réponse apportée, tout en expliquant que la pétition réclame une solution « à la fois impossible et indésirable d’un point de vue administratif ». Selon lui, si la fréquentation des bibliothèques a diminué de 50% en vingt ans, ce n’est pas uniquement en raison du financement, mais à cause des objectifs des bibliothèques elles-mêmes.

Il propose dans une tribune  « Sur la fermeture des bibliothèques publiques » (Public Librairies Quarterly), de diversifier les services des bibliothèques, tout en réduisant le nombre de livres disponibles au prêt sur la totalité des bibliothèques du territoire (d’au moins 25 millions de titres), et d’augmenter les horaires d’ouverture d’au moins 25 heures chaque semaine. Il recommande également qu’un seul et unique système de gestion des bibliothèques soit mis en place, pour remplacer la centaine qui existe aujourd’hui.

Le CIPFA, organisme qui étudie les données et statistiques concernant les bibliothèques, devrait présenter le mois prochain son rapport sur les activités des bibliothèques pour l’année 2017-2018.

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