Les éditeurs veulent le retour du livre « à la télévision »

Par : David Moszkowicz

13/11/2019

Dans une tribune collective publiée hier sur le site du Monde, les principaux éditeurs français disent « leur préoccupation face à la disparition des émissions littéraires à la télé ». Et appellent « les chaînes [à] faire preuve de volontarisme ».

La tribune publiée en accès payant fait référence, comme le rappelle opportunément Livres Hebdo, aux

déprogrammations des émissions "Dans quelle éta-gère" (France 2), "Livres & vous" (Public Sénat) et "Entrée libre" (France 5), toutes survenues en 2019.

Selon les signataires  « L’édition en souffre, dès aujourd’hui la lecture, dès demain la création littéraire, dès après-demain l’audimat pour la création télévisuelle. Ni l’édition ni la télévision n’auraient à gagner à terme à un tel divorce. » Et d’appeler à « une politique volontariste particulièrement de la part des chaînes publiques pour que les livres retrouvent leur place dans les programmes, au-delà de ce beau rendez-vous fédérateur qu’est « La Grande Librairie », de François Busnel ». En concluant par ce cri d’alarme « Il y a urgence ! ».

Sauf que le téléspectateur type en France a 53 ans et... continue de vieillir. Un âge moyen qui se rapproche chaque année un peu plus de celui du grand lecteur type qui, selon l’étude 2019 du CNL, est âgé de 65 ans.

Et une enquête publiée à la rentrée 2018 ne révélait-elle pas que les médias ne suffisent de toute façon plus à la promotion des livres ? Lors du relais de cette information sur Twitter, BookSquad avait d’ailleurs été interpellé par Augustin Trapenard lui-même... saluant l’information en ces termes : « Bravo Einstein, ça fait 15 ans ! »

Le livre se trouve en réalité, à la télévision, dans une position délicate. Alors que le législateur envisage toujours d’ouvrir la publicité télévisée au cinéma, il reste encore frileux au sujet des livres, « privés de petit écran depuis 1992 ». Et pas comme on pourrait le croire pour préserver encore et toujours la sacro sainte diversité culturelle.  Mais parce que, comme le rappelle Slate, « la question de l’édition n’a pas été soulevée par les acteurs de l’audiovisuel au regard de recettes potentielles très limitées. »

En somme, la faiblesse des sommes susceptibles d’être investies par les éditeurs en publicité à la télévision rend inutile de changer la loi pour permettre l’investissement de ces sommes.  D’où la dépendance culturelle aux émissions dédiées, produites par les chaînes, sans que cela ne coûte aux éditeurs qui y font parler de leurs livres.

Faut-il donc s’attrister, comme le font les signataires de la tribune, que la télé boude le livre ? Contrairement à la radio, où le secteur du livre est omniprésent - en lien avec l’actualité dans les interviews d’auteurs, dans les émissions généralistes, dans les pastilles culturelles ? L’époque permet d’en douter.

Car les modes de consommation de la télé évoluent radicalement, et les jeunes ne la regardent plus, en tout cas plus comme avant. YouTube prescrit, Instagram prescrit, mais l’édition s’inquiète de la disparition d’émission que plus personne ne regardaient. Sans s’interroger sur les nouveaux possibles de l’image, encore sous exploités par le secteur.

Un archaïsme, en somme.

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Liste des signataires de la tribune :

Guillaume Allary, président d’Allary Editions

Anne Assous, directrice de Folio

Sofia Bengana, présidente de Place des éditeurs

Muriel Beyer, directrice des éditions de l’Observatoire – DGA groupe Humensis

Frédéric Boyer, directeur des éditions P.O.L

Cécile Boyer-Runge, présidente de Robert Laffont éditions

Jean-Paul Capitani, président du directoire des éditions Actes Sud

Manuel Carcassonne, directeur général des éditions Stock

Véronique Cardi, présidente des éditions Jean-Claude Lattès

Alban Cerisier, secrétaire général des éditions Gallimard

Sophie Charnavel, directrice déléguée des éditions Plon

Sophie de Closets, présidente directrice générale des éditions Fayard

Olivier Cohen, président-directeur général des éditions de l’Olivier

Pierre Dutilleul, directeur général du Syndicat national de l’édition

Béatrice Duval, directrice générale de la Librairie générale française

Olivier Frébourg, directeur des éditions des Equateurs

Antoine Gallimard, président-directeur général des éditions Gallimard

Gilles Haéri, président-directeur général des éditions Albin Michel

Viviane Hamy, directrice des éditions Viviane Hamy

Hugues Jallon, président des éditions du Seuil

Monique Labrune, directrice des Presses universitaires de France

Liana Levi, présidente des éditions Liana Levi

Betty Mialet, directrice des éditions Julliard

Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition

Olivier Nora, président directeur général des éditions Grasset

Françoise Nyssen, éditions Actes Sud, ancienne ministre de la culture

Héloïse d’Ormesson, présidente des éditions Héloïse d’Ormesson

Anna Pavlowitch, présidente des éditions Flammarion

Philippe Rey, directeur des éditions Philippe Rey

Philippe Robinet, directeur général Calmann-Lévy et Kero

François Verdoux, président de Sonatine éditions 

TEMPS DE LECTURE: 3 minutes

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